22/04/2014

De la nécessité d'attaquer la psychanalyse avec des arguments de gauche

Au risque de choquer certains d'entre ceux qui me connaissent via le web, je ne me vois pas comme étant particulièrement de gauche.

Certes, aujourd'hui, je ne me reconnais pas dans la droite, ni même dans le centre français, tels qu'ils existent actuellement, et pas du tout dans les valeurs de l'UMP, par exemple*. Mais je me suis toujours perçu comme étant plus proche du centre-gauche que de l'extrême-gauche ; je me suis défini à différents moments comme étant social-écologiste, Rawlsien, social-démocrate, voire social-libéral à une époque, avant de revenir un peu plus à gauche par la suite.

Je n'ai jamais voté pour des partis d'extrême-gauche, par exemple (même avant d'avoir 18 ans, je ne l'aurais pas fait). Je n'aimais pas la rhétorique, ni le style de la "gauche radicale" et encore moins de l'extrême-gauche, et leur idéologie économique me paraissait extrême, irréaliste voire utopique sur certains points.
J'ai toujours voté vert ou socialiste, selon les circonstances. J'ai même été un temps très proche du PS et de ses organisations, même si aujourd'hui je suis globalement déçu par la politique que ce parti mène au pouvoir, et je trouve Manuel Valls globalement trop à droite pour moi.

Je n'ai pas vraiment changé de positionnement politique lorsque mon opinion sur la psychanalyse a évolué (d'une certaine manière, pour d'autres raisons, je suis même devenu plus à gauche que je ne l'étais avant). Pour moi, la psychanalyse était quelque chose de secondaire, et c'était aux psychanalystes de s'y retrouver, dans leurs théories - et c'est ce que pense encore aujourd'hui, en partie.

Mais il y a une chose en laquelle je crois, en revanche, c'est à la nécessité d'attaquer la psychanalyse** avec des arguments de gauche.

En effet, lorsque les psychanalystes sont attaqués par des individus de droite (ou même par des apolitiques qu'ils rangeront avec), c'est généralement trop facile pour eux de se défendre, parce qu'ils n'ont qu'à réutiliser leurs arguments habituels, et ça fait mouche à tous les coups ou presque.

Alors que lorsqu'ils sont attaqués par la gauche, par des individus de gauche, ils ne sont certes pas aussi surpris aujourd'hui qu'à l'époque où Onfray sortait son livre sur Freud, mais ils restent d'une certaine manière déconcertés, voire mal à l'aise.
Certains d'entre eux ont dans un premier temps refusé de changer d'argumentaire, ce qui les a amené à clairement "disjoncter" et à se mettre à dire n'importe quoi, littéralement tout et son contraire, au prix parfois de leur propre crédibilité ou réputation ; avant de réaliser par la suite leurs erreurs et de tenir un discours de façade plus modéré, quand l'ensemble de la profession chutait encore plus bas : voir par exemple la réaction d'Elisabeth Roudinesco face à Michel Onfray pour s'en convaincre.

De façon générale, c'est seulement avec des arguments de gauche que l'on peut espérer amener les psychanalystes à se remettre en question et à revoir leur argumentation.

C'est aussi une façon de s'adresser à la gauche française dans son ensemble, en lui parlant avec un langage rassurant, familier, afin de l'intéresser à la critique de la psychanalyse, et de ne pas en laisser le monopole à la droite, afin qu'elle se rende enfin compte que l'importance donnée à cette discipline est une impasse, dans plusieurs domaines, et qu'elle revoie sa position en conséquence.
Bon, il se trouve par ailleurs que j'ai été agréablement surpris par l'orientation prise par les gouvernements Hollande concernant l'approche de l'autisme. Mais c'est loin d'être suffisant : d'une part le troisième plan autisme en lui-même est encore très insatisfaisant sur certains points ; d'autre part, aussi timide soit-il, nul doute que pour beaucoup de personnes de gauche, il a été, et continuera d'être vu avec méfiance et mis sur le compte de l'orientation globale du gouvernement de Hollande, déjà impopulaire à la base. D'ailleurs, beaucoup des adversaires du plan autisme (psychanalystes ou non) l'ont associé à une politique libérale, attribué et relié à une orientation générale trop à droite sur le plan économique, ce qui leur a permis, pour le moment, de ne pas avoir à changer d'argumentaire.

Concernant la gauche française, d'ailleurs, qu'en est-il vraiment de son rapport à la psychanalyse ?

Je ne suis pas spécialiste, mais je pense que dans une grande partie de celle-ci, il y a hélas, encore clairement un aveuglement à ce sujet***. Je pense contrairement à d'autres que cet aveuglement n'est pas fondamentalement dû à des facteurs idéologiques, mais à un ensemble d'idées préconçues, et de facteurs plutôt d'ordre historique et/ou sociologique liés à l'après-68 français. Rien d'insurmontable toutefois,  à mon sens.

Car depuis une dizaine d'années, la place de la psychanalyse recule constamment et régulièrement chez les politiques, dans l'opinion et les médias "de gauche", et c'est non seulement dû aux nouveaux débats de société mais aussi grâce à nous, les "anti"-psychanalytiques de gauche. Face à nous, les psychanalystes sont de plus en plus sur la défensive, fracturés, certains d'entre eux essayant péniblement de se démarquer de leurs collègues les plus gênants (suivez mon regard...)

Je pense plus généralement que contre les psychanalystes, il faudrait idéalement faire appel à une stratégie de la spécificité : il s'agirait d'attaquer la psychanalyse sur ce qui lui est spécifique, non seulement par rapport au comportementalisme, mais aussi par rapport à toute autre approche (pas seulement les TCC, donc). Car l'argumentation de nombreux psychanalystes repose implicitement sur une série de faux dilemmes : la psychanalyse ou les TCC, la psychanalyse ou l'ultralibéralisme, la psychanalyse ou le fascisme, etc...

Bien qu'elle ait ses limites et j'en suis conscient, c'est uniquement ce genre de stratégie qui permettrait de ratisser le plus large possible et, au pire, pousserait vraiment les psychanalystes à se reformuler et à se remettre en question, voire à renouveler leurs argumentation pour des débats véritablement intéressants.

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*Dans la charte des valeurs de l'UMP, on trouve des perles telles que : "Nous [...] tenons chacun pour responsable de ses actes, en refusant le déterminisme social." Derrière cette idée simple apparemment de bon sens, on voit bien qu'il s'agit d'un parti qui n'a absolument aucune intention de réduire les inégalités...

**La psychanalyse française actuelle, souvent dogmatique, par rapport à l'autisme par exemple. Dans l'absolu, je ne suis pas "contre" la psychanalyse, je suis juste favorable à une séparation progressive de la psychanalyse et de l'Etat. Je pense que sur des sujets particuliers qui ne font pas l'unanimité chez eux, certains psychanalystes peuvent dire des choses pertinentes et intéressantes, et je peux même être d'accord avec eux. C'est juste que je ne suis pas d'accord avec eux pour les mêmes raisons, et c'est davantage la logique de leur argumentation que je critique.

***Par exemple, la LDH s'est récemment faite sérieusement taper sur les doigts par plusieurs assos pour son soutien affiché au film de Mariana Otero, Un Ciel Ouvert. Film qui, que ce soit par sa réalisation, sa production ou son accueil critique par la presse, est un bon exemple d'illustration récente de cet aveuglement collectif.

2 commentaires:

  1. À mes yeux les valeurs de la gauche et la psychanalyse sont opposées, si la plupart des personnes de gauche avait lu Freud en entier, même quelques pages bien choisie suffisent, je pense qu'il aurait moins de sympathie pour cette doctrine, ceux qui l'on lu et qui n'y trouve rien de choquant devraient se remettre en question. La psychanalyse est une doctrine réactionnaire malgré les apparences, il est bien connu que Freud était misogyne ce qui n'est pas très compatible avec les valeurs de la gauche de ces cinquante dernières années. Cela beaucoup de personne de gauche semble l'ignorer.

    C'est hélas en grande partie grâce à Lacan que la psychanalyse à séduit la gauche, je crois pas que Lacan était de gauche mais il avait besoin d'embobiner ces personnes pour faire perdurer la psychanalyse. En gros il s'est servi d'eux.

    En France la psychanalyse recule certes mais trop lentement à mon goût et à ceux de parents d'enfants autiste, et aux autiste eux même. Il faudrait que les choses s’accélères.

    Oui la stratégie des défenseur de la psychanalyse repose sur de faux dilemmes, elle s'attaque à tout autre approche car ils savent qu'elle ne fait pas le poids.
    La psychanalyse reproche aux autres ses propres crimes. Pourtant elle est très proche des techniques de management, nombre de personne qui ont étudiés la psychanalyse se retrouve dans les ressources humaines et y applique cette doctrine.

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  2. il est étonnant qu'en France des gens qui se disent de gauche puissent se réclamer de Freud vieux conservateur ou de Lacan anarchiste de droite. Commet des transfuges de la gauche radicale aient pu se rallier aux thèses hyper-idéalistes de Lacan, comment concilier le matérialisme dialectique avec les thèses lacaniennes ? comment des humanistes de gauche peuvent-ils adhérer au "sujet" de Lacan, simple flexion du champ symbolique, un lieu d'où ça parle ??? un sujet évidé de toute vie émotionnelle et affective ??? comment la gauche a-t-elle pu faire l'impasse sur les dissidents de la psychanalyse de gauche tels Karen Horney, Alfred Adler, Erik Erikson, J.L Moreno ????

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