06/02/2017

Chronique de la période qui s'annonce


"Aux municipales, je vais voter n'importe comment... Pour voir un peu les résultats !"
Brève de comptoir

Cette citation résume assez bien, je crois, l'état d'esprit d'une grande partie de l'électorat dans le monde occidental, pas seulement pour les municipales, mais pour tout type d'élection. Bien sûr, il ne s'agit pas ici de prétendre que les électeurs, dans leur grande majorité, votent littéralement n'importe comment. Dans certains cas, on en est même retourné au vote par conviction, plutôt qu'au vote utile, de façon fracassante et sans équivalent depuis 2002. Mais justement : on ne se préoccupe plus trop de savoir si tel ou tel candidat disposera d'une majorité suffisante pour gouverner, ou s'il pourra mettre en application son programme sans, au choix :

1) faire descendre l'autre moitié de la population dans la rue contre lui
2) se fâcher sévère avec nos créanciers et/ou les puissances étrangères censées être nos alliées
3) les deux, mon général !

Et cela donne le paysage politique qui émerge en vue de la prochaine présidentielle française.

Je ne vais pas jeter la pierre non plus. En ce qui me concerne, me fiant à la règle n°1 de la politique française (c-à-d les politiques sont toujours systématiquement plus à droite que ce qu'ils prétendent être) j'ai voté Hamon aux deux tours de la primaire socialiste, histoire qu'on ait enfin au moins un candidat un minimum de gauche à l'arrivée.
Lors de l'élection générale, cela risque pourtant d'être différent. En effet, en toute sincérité, je doute fort de la capacité qu'aura Benoit Hamon à accéder au second tour de la présidentielle, et encore plus à remporter l'élection, même face à Marine Le Pen (dans un contexte de droitisation des droites et de franchissement de lignes rouges tous azimuts).

Macron me semble donc être un moindre mal, s'il s'agit absolument d'éviter le pire (en l'occurrence, Fillon et Le Pen). Mais même pour moi, qui ait la réputation d'être un "social-libéral" par rapport à d'autres, Macron semble peu enthousiasmant, et pas uniquement à cause de ses origines sociales. Faute de programme détaillé pour le moment, sa déclaration de valeurs, en toute objectivité, le positionne au mieux au centre-droit de l'échiquier politique, et cela correspond aux quelques extraits que j'ai pu lire de son livre-programme Révolution.
J'ai compris que tout le discours droitier sur le travail (que Macron reprend à son compte) servait en pratique à accentuer les inégalités sociales, puisque les riches auront toujours moins à travailler que les pauvres pour conserver le même statut. Certes, Macron prétend aussi défendre l'"ouverture" et la liberté (y compris dans le domaine sociétal, je suppose), mais c'est un peu léger pour le situer à gauche.

Maintenant, en admettant qu'il soit élu (ce qui, étonnamment, paraît de moins en moins improbable à l'heure actuelle), son mandat ne pourra être que déception. Assis en position inconfortable au centre, il est honni aussi bien par la droite (pour des raisons essentiellement homophobes) que par la gauche (pour son bref passage au gouvernement). Il aura bien du mal à trouver une quelconque majorité pour gouverner. Il pourra, certes, toujours se trouver une majorité pour faire passer tel ou tel truc, mais personne ne voudra de lui spécifiquement en tant que président.

Au fond, pourquoi voter Macron ? Pour réaffirmer la notion cinquiémiste de président "au-dessus des partis" ? Soyons sérieux, cette idée a vécu avec la première cohabitation, il y a maintenant plus de trente ans. De plus en plus, il apparaît que le principal objectif est avant tout de retarder l'"inévitable" échéance d'une présidence Le Pen. Et ce n'est pas Macron, avec les risques que comporte sa présidence, qui va pouvoir s'adresser à cet électorat. D'ici 2022, le premier objectif sera de gagner du temps et de retenir la leçon des autres pays confrontés au populisme, afin d'éviter que l'on aie jamais à voir le FN à la tête de notre pays.

Au final, donc, on ne sait jamais à quoi s'attendre. L'avenir nous réserve tant de surprises. Nous vivons ce que paraît-il, un certain proverbe chinois qualifie d'"époque intéressante"...