Théorie de la justice de John Rawls, publié en France aux éditions du Seuil, est un livre que j'ai acheté il y a déjà pas mal de temps
Pour commencer, John Rawls est un philosophe américain, qui a enseigné dans de nombreuses universités prestigieuses de la côte Est américaine (Princeton, Harvard, etc). Son oeuvre se centre sur le libéralisme politique - au sens américain - et l'idée de justice en particulier.
Dans Théorie de la Justice, qui restera comme l'un des ouvrages les plus commentés de la seconde moitié du vingtième siècle, il expose, comme son nom l'indique, sa conception de la justice.
Il voit ainsi la justice comme équité ("justice as fairness"), et, dans la tradition du contrat social, se base sur le concept de "position originelle", une abstraction où toutes les différences entre les hommes seraient effacées, et ceux-ci ne connaîtraient pas leur position réelle dans la société, cachés qu'ils sont derrière un "voile d'ignorance". Dans ces conditions, la conception d'une société juste adoptée par l'individu moyen devrait suivre le principe du "maximin", c'est-à-dire maximiser les perspectives des membres les moins fortunés.
Au bout du compte, deux principes de la justice seraient adoptés :
le principe d'égale liberté est le suivant : « Chaque personne a droit à un système pleinement adéquat de libertés de base égales pour tous, compatible avec un même système de liberté pour tous », quant au second : « Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire à deux conditions : elles doivent d’abord être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous, dans des conditions d'égalité équitable (fair) des chances (a), et elles doivent procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société. (b, principe de différence) ».
Le premier principe couvre par exemple la liberté de participation politique, la liberté d'expression, de conscience, la possession personnelle et la protection contre l'arbitraire. De façon intéressante, ce premier principe ne couvre pas la propriété privée des moyens de production ni la liberté contractuelle. Au delà d'un niveau basique de développement économique, ce principe a la priorité sur le suivant.
Dans le deuxième principe, (a) a la priorité sur (b). L'égalité équitable des chances est une conception beaucoup plus exigeante de l'égalité des chances que celle utilisée généralement dans le débat courant. Il est aussi important de noter que d'après Rawls, on ne "mérite" pas ses dons naturels.
Rawls s'oppose par ailleurs à l'utilitarisme classique, qu'il considère comme excessivement conséquentialiste, voire machiavélien.
Le livre a été discuté et critiqué de tous bords, ce qui devrait suffire à vous faire comprendre l'influence qu'il a eu dans le débat à ce niveau-là. A noter qu'il existe des interprétations très diverses de Rawls, et qu'on l'a placé aussi bien à l'extrême-gauche qu'au centre-droit.
Je tiens à vous prévenir toutefois : le livre en lui-même est intéressant, mais il est très dense, et est à réserver aux purs fans de philosophie et/ou de politique qui au moins quelques notions des deux, ou même d'économie. Ou à ceux qui font des études de philosophie politique, ce qui est logique.
L'ouvrage a été traduit par Catherine Audard, qui avec Monique Canto-Sperber est l'une des principales figures du libéralisme social français. Je possède d'ailleurs son livre sur le libéralisme, et il est intéressant, loin des clichés répandus par les uns et les autres.
J'écrirai peut-être un prochain article, non exempt de remarques, sur une possible conception "rawlsienne" du handicap et de l'autisme en particulier.
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