13/10/2012

Freud aurait-il abandonné le concept d'inconscient à la fin de sa vie ?

A l'heure où Jean-Louis Racca écrit une série de billets sur l'inconscient et ses mythologies, je lis un vieux numéro (avril 2012) de Sciences humaines, dont l'un des articles est consacré à Freud et à la notion d'inconscient. Selon celui-ci, Freud aurait finalement décidé d'abandonner le concept d'inconscient vers la fin de sa carrière, et n'aurait pas été suivi par ses successeurs dans cette direction. On peut alors légitimement se demander : même si Sciences humaines est une revue de vulgarisation qui n'est pas forcément très connue du grand public dans son ensemble, comment se fait-il que cet article n'ait pas fait davantage de bruit ?

La réponse, mes amis, est la suivante : on a ici affaire à un pur effet "peau de chagrin" au sens où le définit Richard Monvoisin. C'est-à-dire qu'on nous laisse miroiter quelque chose de renversant, pour au final retomber sur nos pattes. Ici donc, Freud aurait abandonné le concept d'inconscient, un peu trop "fourre-tout" (ce qu'on ne peut nier, en effet !) pour... la pulsion, le Ça, puis des aspects de l'entière triade Moi-Surmoi-Ça. C'est à dire la seconde topique. C'est une "clarification" du concept d'inconscient, mais en aucun cas son abandon. Cependant, ce que ne précise pas l'article, c'est que ces concepts sont à peine moins ambigus que celui d'inconscient "tout court".

Un exemple parmi d'autres : les psychologues modernes ont dégagé cinq dimensions principales à la personnalité ; grossièrement, l'ouverture d'esprit, la "conscienciosité", l'extraversion, l'agréabilité et la stabilité émotionnelle. Faites un calcul rapide : trois entités (Moi-Surmoi-Ça) ne peuvent pas expliquer cinq grands traits de personnalité plus ou moins indépendants (ça peut changer théoriquement si on inclut la pulsion de vie et la pulsion de mort comme entités indépendantes, mais je vois mal les corrélations possibles, personnellement...).

Au final, on a donc un article assez décevant, qui aborde la psychanalyse à un niveau très basique. L'article doit pouvoir être disponible assez facilement en ligne de toute façon, je pense. Son mérite, néanmoins, est de souligner que la notion d'inconscient est très ambiguë, souvent utilisée à tort et à travers et appropriée par des psychanalystes moins talentueux que Freud, qui en ont fait un concept encore plus ambigu.

Ah oui, au fait, depuis le temps, il faudrait que je fasse une suite à mon article La psychanalyse est neurotypiste, partie I, qui aborde le thème de ce simplisme de la triade Moi-Surmoi-Ça.

1 commentaire:

  1. On n'est jamais si bien servi que...

    http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-louis-racca/301012/linconscient-et-ses-mythologies-iii

    sans compter les épisodes précédents...

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