16/01/2020

Le paysage des associations pour le droit d'accès aux origines en France

En ce contexte de revirement absurde des sénateurs sur la question de l'accès aux origines, j'avais envie de reparler de ce sujet.

En France, à ma connaissance, il n'existe que deux associations qui se battent pour le droit d'accès aux origines des personnes conçues par don de gamètes.

D'un côté, il y a PMAnonyme, de l'autre Origines (si l'on exclut l'ADEDD, supposément dirigée par des personnes nées de dons mais qui s'oppose à l'accès aux origines).

Tout ce qui suit est très relatif, mais la première association est probablement la plus connue des deux, tandis que la seconde est surtout connue par son fondateur, qui est une personnalité assez médiatique.

Le principal clivage entre les deux associations réside dans l'attitude à adopter par rapport à la RCA (Reconnaissance Commune Anticipée de filiation, un mode de filiation qui serait spécifique à certaines personnes conçues par don de gamètes, notamment celles hors couples H/F), PMAnonyme souhaitant l'étendre à tous les couples tandis qu'Origines s'y oppose pour tous les couples.

En ce qui me concerne, je pense que soutenir la RCA serait la solution qui me semblerait à la fois la plus convenable et la plus logique du point de vue des droits des enfants (en plus de potentiellement mieux sécuriser leur filiation), et dont les enfants de couples hétéros bénéficieraient le mieux (parce qu'elle permettrait de mieux lutter contre les secrets de famille), alors même que ces enfants-là sont, pour le moment, exclus de cette procédure. Alors comment se fait-il qu'Origines s'y oppose ?

Sans rentrer dans les détails, j'ai cru comprendre que son principal promoteur, entre autres, par peur absolue que la cause de l'accès aux origines - notamment à cause de diverses tentatives de récupérations idéologiques, intéressées mais néanmoins fondamentalement hypocrites - ne puisse être perçue comme trop conservatrice, voire réactionnaire, avait décidé de jouer à fond la carte de la « respectabilité » vis-à-vis d'un certain milieu dit « progressiste »[1] et bien organisé politiquement.

A ce sujet, il est à noter que d'ordinaire ce sont plutôt les groupes minoritaires « typiques » qui essaient de prendre leurs distances vis-à-vis d'images perçues comme dégradantes, véhiculées par le camp conservateur et agitées par celui-ci comme repoussoir. On aurait donc là un exemple assez surprenant de personnes pour qui ce serait l'assimilation, réelle ou fantasmée, avec le camp conservateur qui serait perçue comme infamante, et qui essaieraient de tout faire pour s'en démarquer, quitte à perdre en radicalité (assez paradoxalement).

Attention, entendons-nous bien, la politique de la respectabilité n'est pas nécessairement une mauvaise chose en soi. Certains stéréotypes sont effectivement très nuisibles, et il peut être souhaitable et même nécessaire d'aller à leur encontre. Dans certains cas, les stéréotypes peuvent même s'avérer être des pièges qui peuvent mener jusqu'à défendre des choses qui ne devraient pas être défendables, ou à se montrer en quelque sorte plus conservateur et moins radical qu'on ne le prétend soi-même.

La politique de la respectabilité peut aussi être associée à une certaine forme de pragmatisme et d'enrichissement idéologique (en prenant mieux en compte les objections et les différentes facettes d'un même problème), là où l'anti-respectabilité peut être davantage associée à diverses formes d'utopisme, de cynisme, de jusqu'au-boutisme, de rigidité idéologique ou de dogmatisme.

Par exemple, l'ADFH est parfois raillée par les militants LGBT les plus « radicaux » notamment à cause de la perception d'une certaine tendance[2] à lorgner du côté de la respectabilité, mais il n'empêche qu'il s'agit à ma connaissance de la toute première association LGBT à avoir revendiqué directement la levée de l'anonymat des dons de gamètes, et pas une solution intermédiaire comme le double guichet.

Cependant, la respectabilité peut aussi devenir une mauvaise chose, notamment lorsqu'elle a pour conséquences un affadissement des revendications, la compromission avec des groupes aux intérêts opposés ou le fait de ne plus rien proposer de véritablement innovant ou subversif.

Pour revenir au sujet de base, autant cette approche pourra très certainement fonctionner auprès d'associations mainstream pas trop sectaires et Inter-LGBT-compatibles, autant celle-ci sera inefficace pour tenter de convaincre les groupes les plus « radicaux » tels que les Gouines contre Nature, qui ne veulent pas entendre parler d'« origines » et récusent l'emploi de ce type-même de vocabulaire. Néanmoins, il est vrai que les groupes de ce type-là sont (heureusement) encore très marginaux, et qu'ils ne constituent probablement pas la cible principale de l'activité militante de l'association Origines, de toute façon.

Bref, tout cela illustre qu'il y a un bon équilibre à trouver entre respectabilité et revendicativité.

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[1]Encore que cela soit éventuellement assez relatif. Une des associations qui fait équipe avec Origines, GayLib, représente historiquement les LGBT de droite et de centre-droit.

[2]Objectivement très relative, tant la légalisation de la GPA, l'une de leurs revendications-phares, a été agitée comme repoussoir absolu par toute la droite et même certain-e-s allié-e-s auto-proclamé-e-s « progressistes ».