Ce blog se chargera de discuter les notions d'inné, d'acquis, de normal, de pathologique, de corps, d'esprit, et les raisonnements logiques et éthiques les plus fréquents à leur sujet. On y critiquera la psychanalyse et on y traitera également de bioéthique le cas échéant.
Daniel Borrillo est un auteur dont j'avais déjà parlé dans de précédents articles (tous regroupés ici). J'avais d'abord évoqué favorablement son livre sur la bioéthique, avant de m'éloigner de cet auteur à cause de sa relative malhonnêteté intellectuelle sur certains points (notamment par rapport à Irène Théry) ainsi que de son obsession anonymiste concernant les questions de PMA et d'accouchement sous X.
Son dernier livre, Disposer de son corps : un droit encore à conquérir est sorti en 2019 aux éditions Textuel, au sein de la collection Idées-débats.
Tout d'abord, que l'on soit d'accord ou non avec son auteur sur chaque point discuté, il s'agit d'un livre tout à fait digne d'intérêt. Une foule de thèmes y sont abordés, les uns à la suite des autres : les libertés vestimentaires, sexuelles et reproductives, par exemple.
Pour résumer mon point de vue global : la libre disposition de son corps est évidemment un thème très important (je rejoins d'ailleurs Borrillo sur de nombreuses questions) et on ne peut nier ici qu'il a fait un formidable travail d'envergure, mais je crains que cette thématique ne soit chez lui qu'une espèce de dogme, disjoint de certaines réalités (j'y reviendrai).
Je n'ai pas grand chose à redire concernant les deux premières parties. Sans doute, et d'autant plus particulièrement dans un contexte français, Daniel Borrillo exprime-t-il souvent des opinions controversées sur certaines questions, et il le sait ; mais, n'étant pas un expert, il serait probablement trop long et fastidieux (voire possiblement hors sujet) d'exposer ici mes éventuelles réticences ou divergences, qui portent d'ailleurs souvent davantage sur la forme que sur le fond de ses propos, tant il y a de thématiques abordées dans un espace de pages aussi réduit. Sur beaucoup de sujets, en réalité, ce livre est une redite de son précédent ouvrage sur la bioéthique, datant d'il y a plus de dix ans maintenant.
Je me concentrerais donc davantage sur la troisième partie, portant sur la procréation.
Ma première divergence avec Daniel Borrillo porte sur la notion de « filiation basée sur la volonté ». J'y suis moi-même favorable dans l'absolu, le problème étant que Borrillo élargit considérablement ce qu'il entend par « filiation », y incluant par exemple l'accès aux origines personnelles, faisant ainsi paradoxalement les mêmes erreurs que les sympathisants LMPT.
En particulier, j'ai une interprétation assez différente de la notion de « volonté » : lorsque Daniel Borrillo parle de « volonté », en effet, il parle toujours de celle des adultes ou des parents d'intention, jamais de celle de leurs enfants. C'est ce qui introduit une certaine incohérence dans son raisonnement.
En matière de droits de l'enfant, le projet de Borrillo est proprement désastreux. Il propose en effet de généraliser des principes qui vont à l'encontre du droit international (abandon, accouchement sous X y compris pour les hommes, adoption plénière...) dans un objectif soi-disant émancipateur, sans prendre en compte qu'il y a un rapport de domination intrinsèque entre d'un côté les adultes et les parents et leurs enfants de l'autre. Comme disait Henri de Lacordaire, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
Sur la GPA, d'un côté, Borrillo a raison de dénoncer le consensus qui règne en France contre cette pratique, mais de l'autre, il se montre implicitement favorable à la GPA commerciale, dont l'éthique peut être discutée.
Pour Borrillo, la gratuité dans les arrangements procréatifs (y compris la PMA « classique ») est en effet à remettre en cause parce que celle-ci créerait une pénurie. Le fait que le paiement puisse être un facteur d'exploitation de certaines personnes par d'autres n'est pas pris en compte dans son analyse.
J'aimerais aussi revenir sur sa vision de l'accès aux origines. Cette question n'est abordée que brièvement dans le livre. Borrillo prétend que la levée de l'anonymat relèverait uniquement d'une logique de « prééminence de la filiation hétérosexuelle » et de « différence des sexes » (je simplifie). Sans doute Borrillo ne doit-il connaître ni n'avoir jamais croisé aucune personne conçue par don qui recherchait son géniteur. Sinon comment penser une seule seconde que, si ces personnes se battent pour l'accès à leurs antécédents médicaux et à leur identité personnelle, ce serait uniquement pour emmerder les homosexuels ? On objectera que la levée de l'anonymat peut parfois servir de cache-sexe pour défendre des positions homophobes derrière, sauf que personne ne le nie (les concerné-e-s sont les premières personnes à dénoncer cette instrumentalisation). En l'occurrence, rien n'indique dans l'avis du CCNE que la levée de l'anonymat était réclamée pour des raisons homophobes ; celui-ci semblait simplement mieux informé sur la question que Borrillo lui-même.[1]
Borrillo ne parle pas non plus du consensus qui entoure la levée de l'anonymat en France, homosexuels et hétérosexuels confondus. Qu'est-ce qui est le plus assimilationniste, au fond, la levée de l'anonymat, ou cultiver le fantasme d'avoir des enfants à soi et rien qu'à soi ?
Ultimement, à cause de ce gros point noir sur la procréation, Daniel Borrillo ne défend pas une vision cohérente de la libre disposition de son corps, qui serait basée sur l'idée que notre liberté s'arrête là où commence celle des autres, même lorsque ceux-ci n'existent pas encore (mais où on part du principe qu'ils vont exister). Borrillo est donc plutôt quelqu'un que je qualifierais volontiers de « social-libertarien » et pour certaines questions, notamment l'accès aux origines, on y retrouve la même négation libertarienne des droits-créances.
Pour terminer, pour quelqu'un qui prétend défendre la liberté de disposer de son corps, on ne trouve pas un mot dans son livre sur les mutilations génitales lorsque celles-ci ne concernent pas les personnes intersexes (même ces dernières ne sont abordées que brièvement).
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[1]On peut retrouver l'avis du CCNE ici. Parmi les raisons invoquées pour justifier la levée de l'anonymat, on retrouve notamment l'idée que celui-ci est revendiqué par des personnes conçues par don, et que les tests ADN récréatifs largement pratiqués aujourd'hui rendent illusoire la possibilité de le garantir.
Le Donor Conceived Guideest un guide en anglais disponible gratuitement sur le site de COLAGE, une association américaine qui rassemble des personnes élevées par des parents LGBTQ+ et qui défend leurs intérêts. Ce guide est à destination des personnes conçues par don (ou par GPA) étant ou ayant été élevées par des parents LGBTQ+.
Il s'agit d'une mise à jour d'un précédent guide du même genre qui datait de 2010, et qui était devenu obsolète pour diverses raisons.
Passée l'introduction qui précise à qui s'adresse ce guide et qui clarifie certains éléments de terminologie, les autres chapitres abordent respectivement la situation des enfants avec donneurs connus, (semi-)anonymes, nés par GPA, puis le fait de parler de sa famille à d'autres personnes, puis deux derniers chapitres portant sur des ressources additionnelles.
Ce que je trouve particulièrement intéressant, dans ce guide, c'est qu'il s'adresse spécifiquement aux personnes conçues par don issues de familles homoparentales, et pas aux personnes conçues par don en général. En effet, on s'aperçoit que les premiers ont souvent une perspective différente de celle des personnes élevées par un père et une mère.
Je pense que si vous êtes LGBTQ+ et que vous voulez avoir des enfants, c'est un guide à lire absolument, pour comprendre leur perspective. Peut-être que vous ne vous reconnaissez pas dans les témoignages des personnes conçues par don issues de familles hétéroparentales. C'est normal. C'est pourquoi cette publication, entre autres, vient remettre les points sur les i.
Entre autres, on y découvre - mais vu les études sur le sujet, ce n'était un mystère pour personne - qu'il y a des personnes conçues par don élevées par des parents LGBT qui recherchent leur géniteur ; il est donc loin d'être automatique que celles-ci « le vivent bien ».
Néanmoins, il existe des différences notables avec la façon dont les « enfants PMA d'hétéros » abordent la question. Notamment, les « enfants PMA d'homos » se montrent plus sensibles à l'homophobie systémique, et cela influence leur façon d'envisager le contact avec leur donneur.
Vous avez peur que vos enfants considèrent leur donneur comme un parent ? Qu'ils soient déçu par le fait d'avoir des parents LGBT, et que le donneur lui permette d'avoir une famille « normale », hétéro ? Que le donneur soit homophobe ? Ne vous inquiétez pas : si jamais vous avez des appréhensions, vos enfants le sauront. La meilleure solution, c'est d'abord d'en parler avec eux, au lieu de croire que l'anonymat résoudrait d'un coup tous les problèmes. Je le répète : vos enfants n'ont aucune obligation de vous protéger, et s'ils veulent contacter leurs donneurs, c'est leur décision, et vous ne pourrez rien y faire (et oui, la liberté de disposer de son corps, ça marche dans les deux sens).
L'appréhension quant au fait que le donneur puisse être homophobe est quelque chose que j'avais déjà vu auparavant, sur les réseaux sociaux, mais c'est quelque chose auquel je ne prêtais guère d'attention jusque là, notamment parce qu'en contexte français avec justement la levée de l'anonymat et la dernière loi bioéthique plus généralement, je me disais (peut-être naïvement) qu'il fallait être masochiste pour être homophobe et permettre à des couples de femmes d'avoir des enfants, en sachant que ceux-ci pourraient nous contacter plus tard.
Si ce guide montre quelque chose, c'est qu'il s'agit en réalité d'une inquiétude exprimée non seulement par les parents, mais aussi par les enfants eux-mêmes.
Mais je pense avant tout que le vrai problème avec les éventuels donneurs homophobes, ce n'est pas tant la levée de l'anonymat en tant que telle que l'homophobie en elle-même ! Peut-être que s'il y avait moins d'homophobie, les « enfants PMA d'homos » auraient moins d'appréhensions à vouloir contacter leur donneur.
C'est ce qui me fait dire qu'un anti-anonymiste cohérent se doit de lutter contre l'homophobie et la bionormativité, y compris systémique. De façon générale, les personnes conçues par don, dans leur ensemble, ne devraient pas avoir à payer pour les conséquences de l'homophobie et de la bionormativité.
S'il suffisait qu'on s'aime, chronique des années PMA est une bande dessinée française, écrite par Daphné Guillot et dessinée par Julie Guillot, et parue au format « roman graphique » en octobre 2022 aux éditions Steinkis.
Cette BD aborde la question de la lutte pour l'accès à la PMA du point de vue d'un couple de jeunes femmes. Globalement, celle-ci est très émouvante et touchante, notamment dans sa description des diverses violences, outrances et horreurs homophobes qui ont accompagné et émaillé la lutte pour le mariage pour tous, puis pour la PMA. On a à faire ici à un point de vue à la fois personnel et militant.
Dans l'ensemble, la BD est agréable à lire et, malgré quelques scènes érotiques par ci par là, elle n'a pas le côté trash ou moqueur que l'on voit parfois dans certaines productions abordant ce thème, et c'est tant mieux, je pense (j'y reviendrai).
S'il y avait un bémol à apporter, ce serait plutôt sur la question de l'accès aux origines. En effet, celle-ci n'est abordée que brièvement, et de façon plutôt ambigüe : d'un côté, en conclusion de la BD, les autrices ne voient pas la levée de l'anonymat comme un reproche à adresser à la loi de 2021 (ce qui semble témoigner, et c'est une bonne chose, d'une certaine normalisation de la levée de l'anonymat, ce qui était l'un des objectifs recherchés de cette loi), et elles ne font preuve d'aucune animosité particulière envers les personnes conçues par don qui recherchent leur géniteur ; on appréciera même un réel effort dans l'écriture pour adopter une posture compréhensive à leur égard (en tout cas, cela tranche le climat malsain qu'on a pu avoir sur Twitter, à une certaine époque).
De l'autre côté, cependant, il faut rappeler que les autrices ont fini par avoir accès à la PMA en Espagne, pays où l'anonymat des donneurs est imposé, et il y a tout un passage un peu dérangeant au milieu de la BD pour justifier ce choix final : en effet, on voit d'autres personnes faire pression sur les autrices pour qu'elles aillent aux Pays-Bas, en raison de meilleures garanties en termes d'accès aux origines dans ce pays. Les autrices prétendent ensuite que cela dépendrait en réalité du bon vouloir du donneur (ce qui reste à vérifier, en fonction de l'époque à laquelle la scène est censée se dérouler).
Ce qui permet d'embrayer sur les mouvements pour l'accès aux origines des personnes conçues par don. C'est ainsi que, malgré une certaine volonté de remettre les choses dans leur contexte, on assiste à une vision réductrice et déformée de leurs revendications : les autrices considèrent par exemple que ces personnes auraient du mal à différencier « père » et « géniteur », alors qu'elles font au contraire très bien cette distinction, y compris dans l'extrait cité dans la BD (bien mieux que certaines lesbiennes radicales, d'ailleurs). Elles leur reprochent aussi d'avoir été plus médiatisés que les lesbiennes pro-PMA (ce dont je n'ai pas l'impression). On note au passage une certaine ignorance des débats autour de l'article 7 de la convention des droits de l'enfant.
Les autrices reprochent ensuite de ne pas assez parler des enfants qui vivent bien leur mode de conception, mais sur une question telle que celle-ci, cela relève d'une erreur de raisonnement assez fréquente, un biais de confirmation pourrait-on dire. Si, dans l'Histoire, pour n'importe quelle institution archaïque, on n'avait écouté que l'avis des personnes qui la vivent bien, on n'aurait pas fait beaucoup de progrès. Si, pour prendre un exemple récent, dans un débat sur la réforme des retraites, on dirait regretter ne pas assez entendre l'avis des personnes qui veulent travailler jusqu'à 64 ans, ce serait presque du foutage de gueule.
Et, s'il y a bel et bien des personnes conçues par don qui s'opposent à la levée de l'anonymat, parfois après être devenues parents à leur tour, celles-ci sont nettement minoritaires, et cela ne constitue de toute façon pas un argument en faveur de l'anonymat (c'est ainsi que dans le monde, il y a tant d'autres pratiques oppressives qui se perpétuent de génération en génération).
Elles reprochent aussi de ne pas assez parler du don d'ovocytes (ce qui est faux, puisqu'on en parle, c'est juste plus difficile d'en parler dans un contexte de l'ouverture de la PMA pour toutes les femmes).
Tout cette séquence se termine par une double page qui souligne qu'on a longtemps surestimé le rôle du père, ou du mâle, dans la procréation. C'est bien sûr vrai, mais cela ne justifie pas de passer d'un extrême à l'autre. Le spermatozoïde transmet des caractéristiques biologiques importantes, ce qui fait que la connaissance de l'identité du donneur peut être importante pour l'enfant, aussi bien pour des raisons de santé que pour des raisons de formation de son identité personnelle, et ce devrait être à lui seul de décider si celle-ci est importante ou pas. En quelque sorte, l'anonymat fait des parents d'intention les propriétaires de l'identité de leur enfant. C'est pourquoi, s'il est pris trop au sérieux et que l'on s'y accroche de façon dogmatique, celui-ci ne peut à terme déboucher que sur la réinvention d'un modèle familial autoritaire. On peut de toute façon facilement le contourner aujourd'hui, avec l'avènement des tests ADN récréatifs.
Tout ce passage interroge sur les stratégies que les anti-anonymistes devraient suivre pour défendre leurs idées dans l'espace public. J'y vois deux leçons principales à en tirer :
- Ce serait une grossière erreur que de penser qu'un argumentaire reliant l'accès aux origines aux droits de l'enfant convaincrait immédiatement n'importe qui, surtout des personnes qui se sont vues refuser leur accès à la parentalité précisément au nom d'une certaine vision de ces mêmes droits : en effet, certaines d'entre elles risquent de voir cela davantage comme une ènième injonction moralisatrice que comme une sincère volonté de protéger les droits de l'enfant. Quand la droite et les réactionnaires ont passé leur temps à crier au loup, et ce de façon particulièrement hypocrite par ailleurs, voilà en définitive le résultat final.
- Certaines lesbiennes ont du mal à se reconnaître dans les témoignages des personnes conçues par don issues de familles hétéroparentales, à cause de la trop grande différence de situation vis-à-vis de la leur. Or, en France, on manque cruellement de témoignages de personnes nées dans des familles homoparentales et qui recherchent leur géniteur. Jusque là, outre bien sûr l'interdit légal qui pesait sur la PMA hétéro, il y avait justement une bonne raison à cette situation : la vague d'homophobie qui a suivi accompagné les débats sur le mariage pour tous et la PMA. Sans doute certaines personnes se taisent-elles de peur de voir leurs propos être mal interprétés, déformés et instrumentalisés contre leurs parents. Peut-être les mêmes se taisent-elles aussi de peur, pour paraphraser Sartre, de ne pas « désespérer [le Gouinistan] ».
Face à cette situation, il me semble important de rappeler que l'anonymat est contraire aux valeurs que le mouvement LGBT a historiquement défendues. Si l'on se bat pour l'autodétermination des homosexuel-le-s, des bisexuel-le-s, des transgenres, des intersexes, pourquoi la refuser pour les personnes conçues par don ? Les personnes « qui le vivent bien » ne doivent pas être les arbres qui cachent la forêt : quand on s'engage dans un tel parcours, on ne sait pas sur quel type d'enfant on va tomber, à la fin, et certains d'entre eux sont très curieux, par rapport aux donneurs, et pas forcément par volonté d'être « comme les autres ».
De plus, la bibliographie de la BD comporte de nombreuses sources anonymistes (Daniel Borrillo, par exemple). Les autrices sont aussi favorables au droit commun pour toutes, ce qui ne favorise pas la divulgation du secret chez les enfants nés dans des couples hétéros et se heurte à certains obstacles juridiques.
Néanmoins, je le répète encore une fois, et indépendamment de nos divergences portant sur certains points, il s'agit d'une démarche courageuse qu'on ne peut que saluer, et qui force le respect.
Que retenir de plus ? Principalement, que les lois trop restrictives et discriminatoires en matière d'accès à la PMA sont contre-productives, si on peut si facilement les contourner. Autrement, le livre se termine par une énonciation des manquements de la dernière loi Bioéthique (ROPA, GPA, intersexes, droits des personnes transgenres...). Je pense qu'un anti-anonymiste cohérent, s'il veut couper l'herbe sous le pied des anonymistes, devrait soutenir toutes ces réformes (de façon vigilante bien sûr, dans le cas de la GPA).
J'ai
déjà écrit plusieursarticles sur ce blog portant sur la
définition de la gauche et de la droite. Plus récemment, parmi les milieux sceptiques et zététiciens que je connais et que je fréquente, une définition semble s'être imposée par rapport aux autres, celle défendue par le vidéaste Tzitzimitl. Dans mes milieux, tout le monde ou presque la connaît :
« - On est de gauche quand on veut changer le monde, créer une société nouvelle qu'on croit meilleure.
- On est de droite quand on accepte le monde tel qu'il est, ou qu'on souhaite le faire revenir à un état passé. »
Cette
définition n'a pourtant rien de novateur et correspond même en grande partie à la
définition « historique » de ces deux termes, celle qu'on trouve le plus fréquemment dans les dictionnaires. Elle m'avait toujours dérangé de par ses failles évidentes, que j'exposerai après.
La vidéo suivante a au moins le mérite de remettre les points sur
les i :
Pour
résumer brièvement les critiques à son encontre :
- il s'agit d'une définition qui est simple en apparence, mais qui nécessite en pratique de
nombreux ajustements et interprétations pour coller à la
définition de ce qu'on entend habituellement, aujourd'hui, par
« gauche » et par « droite » respectivement.
- avec un peu de mauvaise foi, on pourrait facilement prétendre que toute
idée qui n'aurait jamais été préalablement mise en pratique
serait automatiquement de gauche. Inversement, on pourrait considérer que toute idée qui aurait
déjà été mise en pratique dans le passé serait automatiquement de droite.
- cette définition peut facilement sous-entendre une vision fortement linéaire du progrès humain,
idée qui est aujourd'hui vivement discréditée.
En
fait, ce qui me dérange dans la définition de Tzitzimitl, malgré
son caractère en apparence flatteur pour la gauche, c'est son côté
« balle dans le pied », que l'on aperçoit davantage et plus clairement lorsque l'on se pose les questions suivantes, liées à toute une série de situations qui mettent cette définition à rude épreuve :
- Est-ce
que les Nazis des années 1930 étaient de gauche parce qu'ils
proposaient de mettre en place un système radicalement nouveau ? Certes, ils puisaient souvent leur inspiration dans un passé mythifié (et parfois très lointain), mais ils s'appuyaient aussi sur des théories et des concepts (racisme « scientifique », eugénisme, etc...) relativement nouveaux à l'époque (quelques décennies tout au plus), et pour lesquels le clivage gauche-droite n'était pas toujours très clair.
- Est-ce que les néolibéraux et les libertariens ont le droit de se
revendiquer de gauche, grâce à leur vague progressisme sociétal
et parce qu'ils considèrent que leur projet incarne l'avenir, sans
référence explicite à un modèle passé ?
Tzitzimitl prétend que
les libéraux voudraient revenir à la société du 19ème siècle,
sauf que c'est une idée qui, en pratique, est totalement absente de
leur rhétorique ; en réalité, ils considèrent que la société de
l'époque était beaucoup trop protectionniste et pas assez libérale,
par exemple.
- est-ce que les « laïcards » xénophobes ont le
droit de se dire de gauche sous prétexte qu'ils prétendent avant
tout s'opposer à des conservatismes étrangers ?
- est-ce que les
personnes qui défendaient la pédophilie dans les années 1970
étaient vraiment de gauche ?
- d'après
la définition de Tzitzimitl, les staliniens (et, plus généralement, toutes les personnes qui défendent des régimes communistes autoritaires existant ou ayant existé) devraient être considérés comme de droite, parce qu'en pratique ils ne proposent de créer un modèle radicalement nouveau, mais juste de défendre un régime existant ou de revenir à un genre de régime ayant déjà existé. Mais si, dans ce cas, les
staliniens sont de droite (ce qu'eux-mêmes réfutent, justement à
cause de leur vision linéaire du progrès), pourquoi leurs positions
sont-elles à ce point aussi divergentes et aussi diamétralement opposées à celles du « reste » de la
droite, sur autant de sujets ?
- le
sionisme a-t-il jamais été de gauche ? La définition du Tzitzimitl suggère que oui. Plus généralement, la définition de Tzitzimitl donne raison à l'idée selon laquelle le colonialisme aurait d'abord été une idée de gauche, par exemple.
- joker : qui était de gauche et qui était de droite en Amérique au 19ème siècle ?
Personnellement, je pense qu'une définition basée sur le rapport à la notion d'égalité est beaucoup plus utile qu'une définition basée sur le rapport au passé et à l'avenir : la gauche est plus égalitaire que la droite, c'est tout.
Plus largement, il est possible de ne pas définir la gauche et la droite de façon totalement symétrique. On peut considérer que la gauche est plus égalitaire et la droite plus conservatrice, par exemple, mais cela laisse aussi de la place pour des positions qui ne sont en
fait ni de gauche ni de droite.
Cela ne concerne que rarement les personnes qui se revendiquent
comme n'étant « ni de gauche, ni de droite », d'ailleurs (en général et en pratique, on les trouve beaucoup plus souvent
à droite qu'à gauche de l'échiquier politique), mais plutôt des personnes qui se
revendiquent parfois de gauche, voire d'extrême-gauche, mais qui
défendent en réalité un renversement de la hiérarchie plutôt que
des positions réellement égalitaires, ou des positions communautaristes/relativistes qui
peuvent être difficilement défendues avec une « vraie » rhétorique de gauche, ou encore ce qu'on pourrait appeler des « voies
de garage » de l'Histoire (voire plusieurs de ces choses-là à
la fois).
Si
on applique la définition de la gauche basée sur le rapport à
l'égalité aux exemples ci-dessus, on obtient les résultats suivants :
- les
Nazis étaient de droite, et même d'extrême-droite, en raison de leur point de vue sur les inégalités raciales ;
- les
néolibéraux et les libertariens sont de droite, à cause de leur
vision des inégalités socio-économiques. Leur relatif libéralisme
en matière de questions de société, lorsque celui-ci existe,
découle de la stricte application de principes purement
idéologiques, pas vraiment d'une quelconque vision égalitaire,
quoi qu'ils en disent et en pensent eux-mêmes.
- les « laïcards » xénophobes sont de droite. Leur progressisme
de façade n'est qu'un prétexte pour défendre des hiérarchies
selon l'origine ethnique des individus.
- défendre
la pédophilie n'est en général ni de droite, ni de gauche. Cette
idée a déjà été défendue par des gens de droite, même à l'époque, et elle fait
courir un risque de domination bien trop grand pour qu'on la considère
pleinement comme de gauche ; mais en même temps, on ne peut pas dire
malgré tout qu'elle préserve l'ordre établi, donc ce n'est pas de droite. Selon la définition
de Tzitzimitl, cela dépendrait principalement de si la personne en
question trouve son inspiration dans l'avenir ou le passé lointain pour cette défendre cette idée,
mais cela est, avouons-le, un peu bizarre ou bancal, et souligne le problème intrinsèque qu'il y a avec cette définition.
Aujourd'hui, la droite est souvent bien plus favorable que la gauche à des mesures particulièrement répressives en matière d'actes pédophiles, et pointe souvent la mollesse, voire les errements passés de la gauche dans ce domaine-là. Dans le même temps, la lutte contre la pédophilie est devenue un thème anticlérical, et les gens de gauche pointent souvent l'hypocrisie des gens de droite et d'extrême-droite en la matière.
- les
staliniens et les« tankies » ne sont ni de droite,
ni de gauche. Disons que suivant les époques et les pays, on peut
les classer globalement à gauche, malgré tout (et en tant que
personne de gauche, ça me fait du mal d'avoir à l'admettre), mais dans certains cas, parfois (notamment dans certains pays ex-communistes), ce positionnement ne reflète plus qu'une simple convention
historique. Le stalinisme moderne se caractérise notamment par une
vision manichéenne et plus ou moins complotiste de la politique étrangère et internationale, vision qui en soi n'est pas intrinsèquement de gauche. Malheureusement, celle-ci a pu influencer dans une certaine mesure des partis aujourd'huidevenus politiquement très puissants tels que LFI, par exemple, en France.
- le
sionisme a débuté comme une idée « ni droite, ni gauche » défendue principalement par des gens de gauche (Proust le cite au côté de
l'antimilitarisme, du saint-simonisme et du végétarisme comme
idées associées à la défense des homosexuels), puis il est ensuite
passé à droite, globalement. De façon plus générale, le
colonialisme a d'abord été défendu par des gens de gauche avant
de passer à droite, mais ce n'était pas un hasard vu le contexte intellectuel de l'époque et les arguments mobilisés par chaque camp. Ce qui ne signifie pas qu'en soi, intrinsèquement, le colonialisme ait jamais été une idée de gauche.
- joker
: aux États-Unis, au 19ème siècle, les deux partis n'étaient pas
séparés par un axe gauche-droite au sens où on l'entend
aujourd'hui. Le parti démocrate était globalement soutenu par les
classes inférieures (blanches), mais il avait aussi un rapport très « réactif » à la politique - là où le parti républicain et ses prédécesseurs
étaient au contraire beaucoup plus « proactifs » - et défendait
l'esclavage au nom d'arguments à la fois conservateurs et communautaristes/relativistes. Le parti est peu à peu devenu plus progressiste par la suite, mais il lui a fallu du
temps avant d'en arriver là. Le parti républicain était quant à lui globalement plus progressiste à
l'origine, mais certains de ses sympathisants, déjà à l'époque, s'opposaient à
l'esclavage davantage parce que celui-ci représentait un frein à
la modernité et un risque de délitement des institutions que pour
des raisons vraiment égalitaristes. Il était soutenu par les
classes supérieures et a progressivement dévié vers la droite
ensuite, au point d'atterrir aujourd'hui à l'extrême-droite, et de
représenter ainsi, à peu de chose près, l'exacte antithèse de ce qu'il
fut jadis.
Pour terminer en beauté, prenons
une cause qui me tient à cœur, puisque je me suis déjà beaucoup
engueulé à ce sujet, notamment sur Twitter : la levée de
l'anonymat dans la PMA, que nous appellerons « anti-anonymisme » par la suite, pour simplifier.
Cette
cause est un cas particulier, un cas d'école, pourrait-on dire.
Personnellement, d'après ma définition de la gauche et de la
droite, je considère cette cause comme étant fondamentalement de
gauche puisqu'elle vise à réduire certaines inégalités entre les individus, mais il est vrai qu'elle peut rassembler au-delà des clivages et être facilement être défendue avec des arguments de droite, voire
instrumentalisée par la droite, notamment à l'encontre des
personnes LGBT.
C'est
sous ces derniers prétextes que certaines lesbiennes radicales que j'ai pu côtoyer considèrent cette cause comme étant intrinsèquement de droite, voire d'extrême-droite. Ces personnes, qui défendent des positions anonymistes en matière de PMA, vont se considérer comme de gauche
selon une définition similaire à celle donnée par Tzitzimitl : elles considèrent en effet sincèrement qu'elles veulent changer les choses et créer une société meilleure. Par opposition, selon elles, les anti-anonymistes sont nécessairement de droite, voire d'extrême-droite. Ce qui est paradoxal, même (et surtout) selon la définition-même de Tzitzimitl, vu que les anti-anonymistes proposent justement de mettre en place un système entièrement nouveau, qui n'a jamais été mis en place en France auparavant !
De plus, une définition similaire à celle de Tzitzimitl leur permet de justifier leur misandrie, leur hétérophobie, et parfois même leur biphobie et leur communautarisme. Beaucoup d'entre elles ne cherchent pas à créer une société réellement plus égalitaire, mais simplement à renverser les hiérarchies existantes.
En fait, leur vision très personnelle de l'axe gauche-droite relève également d'une vision assez « linéaire » du progrès, aujourd'hui discréditée.
Mais,
si l'on y réfléchit un peu, est-ce que c'est vraiment de gauche que
de défendre des rapports familiaux hiérarchiques et autoritaires, ou des inégalités
entre les enfants dans l'accès à leurs antécédents médicaux ou à
leurs origines biologiques ? La réponse est non, bien évidemment.
En réalité, si
l'on analyse en détail les arguments qu'elles utilisent sur les réseaux sociaux, on s'aperçoit vite que pour les plus sérieux d'entre eux, ils rentrent tous dans au moins une des catégories suivantes :
- les arguments « pessimistes » : l'anonymat est alors vu comme une sorte de « mal nécessaire ». Dans cette optique, l'homophobie systémique est considérée comme un problème
insurmontable, au point que la levée de l'anonymat exposerait les
lesbiennes au risque de voir leurs familles envahies légalement par
des hommes. De la même façon, on a pu justifier le sionisme par
l'inévitabilité de l'antisémitisme chez les non-juifs[1], ou le
totalitarisme soviétique par la nécessité de lutter contre
l'« encerclement capitaliste ».
- les arguments libéraux : la possibilité de dons de gamètes anonymes est justifié à l'aide d'un raisonnement analogue à celui qui légitime l'existence du système capitaliste chez les libertariens, c'est-à-dire un certain genre d'équivalent à la « propriété de soi » ou au « droit naturel » (certaines lesbiennes radicales semblent d'ailleurs penser que le droit de recourir à des dons anonymes serait doté d'une sorte d'existence objective).
De façon alternative, on aura aussi droit à une rhétorique du type « race to the bottom » appliquée
cette fois-ci aux droits de l'enfant.
Paradoxalement (ou pas), les lesbiennes radicales en question semblent d'un coup beaucoup moins « libérales » lorsqu'il s'agit de légaliser les tests ADN en France.
- les arguments communautaristes ou relativistes : certaines lesbiennes radicales prétendent que l'anonymat ferait partie du « mode de vie », de « l'idéologie » ou de la « vision du monde » lesbienne. Bien évidemment, c'est complètement faux, et cet amalgame est tout à la fois essentialiste, dangereux et lesbophobe. Paradoxalement, l'idée
que la levée de l'anonymat serait intrinsèquement homophobe
s'appuie précisément sur ce genre d'amalgame.
- les arguments périphériques, liés
à la culture politique habituelle de chaque camp. Il est vrai qu'en règle générale, et surtout en France, la droite
accorde davantage d'importance à la biologie que la gauche. Néanmoins, il ne s'agit que d'une tendance, et ce n'est pas ce qui différencie
fondamentalement les deux camps.
On
serait bien en peine de trouver un « vrai » argument de gauche (au sens d'argument qui ferait précisémentintervenir un enjeu de lutte contre les discriminations), dans le
tas, et pour cause : il n'y en a pas.
De
plus, si la tendance actuelle nous indique quelque chose, c'est que,
loin de constituer un progrès en soi, l'anonymat serait en réalité
plutôt une « voie de garage » de l'Histoire.
Donc pour résumer, l'anonymisme (y compris même lesbien) n'est ni de droite ni de gauche, tandis que l'anti-anonymisme est de gauche (ou au moins consensuel, droite et gauche confondus) mais peut parfois être instrumentalisé par la droite. Voilà.
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[1]Chez les juifs antisionistes, on trouve parfois l'assertion selon laquelle « le sionisme est pessimiste car il croit que les juifs et les non-juifs ne peuvent pas vivre ensemble » que l'on pourrait ici paraphraser par « l'anonymisme est pessimiste car il croit que les lesbiennes et les hommes ne peuvent pas vivre ensemble ». Voir aussi cet article, très intéressant.
En fait, je l'étais déjà, bien sûr, mais je n'étais pas particulièrement militant à ce sujet. Comme vous tous j'espère, j'ai été profondément choqué de la décision de la cour suprême américaine de dé-constitutionnalisation du droit à l'avortement, ouvrant la voie à l'interdiction de celui-ci par les états membres. Cela m'a rendu triste, alors même que je ne serai jamais vraiment directement touché ni impacté par cette décision.
Peut-être les juges avaient-ils raison, sur un plan strictement constitutionnel ou légal. Je n'en sais rien, je ne suis pas juriste. Ce que je sais, en revanche, c'est que cette décision aura des conséquences désastreuses, voire effroyables, pour des millions de femmes à travers le pays. C'est ce droit que la cour suprême vient de balayer d'un revers de la main, avec une si froide et impardonnable désinvolture.
Roe v Wade était une décision révolutionnaire, outrageusement en avance sur son temps, peut-être trop, même. Elle est en effet plus libérale que la plupart des législations européennes (mais j'aurai l'occasion d'en reparler). Cette décision ne pouvait qu'entrer en conflit avec la religiosité profonde d'une grande partie du pays, et attiser la rancœur de toute une partie de la population, qui y a vu la main du diable et le pouvoir des élites.
Cette décision a engendré, à terme, un puissant ressentiment dans une toute une catégorie de la population, qui s'est sentie dépossédé du pouvoir. Certes, ces personnes ne représentent pas la majorité de la population américaine, mais ils forment un lobby extrêmement puissant, doté d'une détermination et d'un acharnement quasi-monomaniaques.
Quoi qu'ils en disent par ailleurs, ce n'est certainement pas pour des raisons humanistes qu'ils veulent interdire l'avortement (sinon, il n'auraient pas soutenu pendant quatre ans un président ouvertement fasciste, et incapable de dissimuler qu'il souhaitait interdire l'avortement pour des raisons purement et bassement misogynes) et bien davantage par dogmatisme religieux.
Certains états américains du Sud et du Centre du pays ont d'ailleurs d'ores et déjà mis en place des interdictions moyenâgeuses, plus restrictives que dans la plupart des pays du tiers-monde (non, je n'exagère même pas !)
On ne réalise pas la chance que l'on a, en France, de vivre dans un pays où l'avortement est légal à la demande jusqu'aux 14 semaines de grossesse, où la majorité de la population est favorable à la constitutionnalisation de ce droit et où l'on n'habite qu'à quelques centaines de kilomètres de pays aux délais plus généreux que le nôtre.
En termes de droits reproductifs, de dons de gamètes et d'accès à la procréation médicalement assistée, on peut distinguer globalement deux types de positions : l'anonymisme et l'anti-anonymisme[1] :
L'anonymisme
Au sens large, l'anonymisme désigne toute idéologie qui défend la
possibilité légale de dons de gamètes et/ou d'accouchements
anonymisés. Les anonymistes défendent des actes de naissance qui ne
reflètent que la parenté sociale et n'indiquent pas l'identité des
parents biologiques. De plus, iels tendent à s'opposer à ce que les
donneurs de sperme soient considérés comme une sorte de « père »,
y compris dans le seul sens de « père biologique ».
Les anonymistes sont eux-mêmes divisés en deux camps principaux :
D'un côté, l'anonymisme « strict » défend la possibilité de dons de
gamètes entièrement anonymes, sans possibilité d'accès à
l'identité du donneur ou de la donneuse même après la majorité de
l'enfant. En France, ce courant est représenté par les Gouines contre Nature, les SoignantEs pour la PMA, la Marche lesbienne,
les députés PCF, Jean-Luc Mélenchon, Daniel Borrillo et Morgane Merteuil notamment (il y en a aussi à droite, peut-être même
encore davantage qu'à gauche, mais étant donné qu'ils s'opposent à
l'élargissement de la PMA, ils n'entrent pas dans le cadre de la présente analyse).
Au sein de ce courant, on peut distinguer les « pragmatiques »
favorables à l'accès aux antécédents médicaux, au double-guichet
et/ou à la légalité des tests ADN récréatifs (Le cinéma est politique, la frange « modérée » des anonymistes stricts sur Twitter ou Daniel Borrillo,
par exemple[2]) des « ultra-strict-e-s », qui s'y opposent. Ce dernier
courant est devenu très rare à l'heure actuelle, en dehors de
(possiblement ?) Morgane Merteuil et de la frange « dure » du lesbianisme politique.
Les « ultra-strict-e-s » considèrent qu'en matière de
procréation, le droit de disposer de son propre corps doit être
considéré comme absolu ; cependant, cet attachement affiché à la
« libre disposition de son corps » peut être mis en doute, dans le
sens où iels s'opposent à la légalisation des tests ADN et même,
généralement aussi, au double guichet (ou ne font, au mieux, que le
tolérer lorsqu'il existe). Iels considèrent aussi que le « récit
biologique » doit être combattu à tout prix, peu importe les
conséquences physiques ou psychologiques pour les enfants, en prônant
le nivellement par le bas en termes d'accès aux antécédents
médicaux, au prétexte que ceux-ci ne pourraient être garantis
ailleurs non plus. Au final, la façon dont les « ultra-strict-e-s »
utilisent le slogan « mon corps mon choix » a paradoxalement plus à
voir avec la façon dont les anti-vax ont récupéré ce slogan
qu'avec la façon dont celui-ci était traditionnellement utilisé
par le mouvement féministe.
De l'autre côté, l'anonymisme « moderne » ou « modéré » (ou encore « originiste », l'originisme comprenant aussi l'anti-anonymisme) promeut un anonymat
temporaire des dons de gamètes, généralement jusqu'aux 18 ans de
l'enfant. En France, cette position est notamment défendue par
l'ADFH, l'Inter-LGBT, Caroline Mécary, Martine Gross, Irène Théry et
le gouvernement, avec plusieurs divergences toutefois. Le conseil de l'Europe défend aussi cette position
Les
anonymistes « ultra-strict-e-s » (et même, généralement aussi,
les « strict-e-s pragmatiques ») considèrent l'anonymisme « moderne » comme étant une forme d'anti-anonymisme déguisé et donc intrinsèquement misogyne et lesbophobe, parce qu'iels le
voient comme un moyen d'insérer symboliquement des hommes dans les
familles de lesbiennes. Cependant, il va de soi que les enfants n'ont
nullement l'obligation de protéger la façon dont leurs parents
envisagent leur famille (et penser le contraire permettrait de
justifier n'importe quel genre de dérive familialiste, y compris
réactionnaire) : de fait, l'anonymisme « ultra-strict » (et, dans
une moindre mesure, tous les autres types d'anonymisme, y compris
moderne) n'est plus une position tenable depuis la démocratisation
des tests ADN récréatifs, malgré leur interdiction en France.
Quoi
qu'il en soit, l'idée que l'anonymisme moderne serait
intrinsèquement lesbophobe est une position très minoritaire, même si
certaines personnes LGBT restent inquiètes par rapport à la quantité de
donneurs disponibles en cas de « levée de l'anonymat », et penchent donc vers des positions anonymistes strictes en conséquence.
L'anti-anonymisme
De
l'autre côté, l'anti-anonymisme est l'idéologie qui s'oppose à
l'anonymisme. Les anti-anonymistes considèrent qu'une procréation
médicalement assistée ne devrait avoir lieu qu'avec des donneurs dont l'identité serait disponible dès la naissance de l'enfant, et iels prônent généralement l'utilisation du terme « père biologique » (voire, dans certains cas, « père » tout court) pour désigner le donneur de sperme.
On peut diviser ce courants entre :
- les anti-anonymistes « réformistes », ou « modérés », qui promeuvent, à moyen terme, des réformes d'inspiration « anonymiste-moderne » (établissement d'un âge pour l'accès aux origines, puis abaissement progressif de ce dernier, au lieu d'une abolition immédiate de l'anonymat), et ne sont pas favorables à des actes de naissance qui inscriraient l'identité des parents biologiques de l'enfant en plus de celle de ses parents sociaux. En général, iels ne prônent pas activement l'utilisation de l'expression « père biologique » (même s'iels peuvent l'utiliser, à titre personnel, pour désigner leur géniteur).
- les anti-anonymistes « simples » ou « classiques » qui font activement campagne pour que l'identité du donneur soit accessible dès la naissance de l'enfant et/ou inscrite sur son acte de naissance, mais qui considèrent que le donneur n'est pas obligé de former une relation avec son enfant biologique dès ce moment-là. Iels cherchent à normaliser l'usage de l'expression « père biologique », mais sans la confondre ni la remplacer par celle de « père » tout court.
- les anti-anonymistes « radicaux » ou « absolus » qui considèrent que l'enfant doit pouvoir former dès sa naissance une relation avec son donneur, et que l'identité de ce dernier doit être systématiquement inscrite sur l'acte de naissance de l'enfant, en vertu d'une interprétation très stricte de l'article 7.1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (« L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux » avec une définition de « parent » qui fait aussi référence aux parents biologiques). Ce sont d'ardent-e-s défenseurs de la formule « père biologique » et iels ont parfois tendance à confondre celle-ci avec celle de « père » tout court.
L'anti-anonymisme, surtout sous sa forme « radicale », est une idée plus controversée que l'anonymisme moderne. Elle est considérée comme beaucoup plus délicate à défendre sur le plan politique et, sauf sous sa forme la plus « réformiste », susciterait certainement une levée de boucliers massive, immédiate et générale de la part des parents d'intention, des donneurs, des banques de sperme et des personnalités politiques.
De leur côté, les personnes LGBT seraient (quasiment ?) unanimes à considérer l'anti-anonymisme « radical » comme une forme d'homophobie, puisque cette idéologie impose aux lesbiennes de devoir relationner directement avec des hommes pour procréer (fût-ce sans relations sexuelles directes), impose littéralement la présence de ces derniers dans leurs familles (ne serait-ce que par la présence de leur nom sur l'acte de naissance de leurs enfants), leur nie leur droit à vivre selon leur propre conception de la famille, même à titre temporaire, vide de son sens la notion d'homoparentalité dans le cadre d'une PMA et même la notion de choix de l'enfant, ne laissant à ce dernier aucun choix dans le fait de continuer à adhérer ou non à l'idéologie lesbienne-politique de ses parents lorsqu'elle existe, puisqu'il ne lui sera pas possible de grandir dans celle-ci.
Néanmoins, d'après un sondage datant de 2019, environ un quart des personnes homosexuelles partageraient des positions anti-anonymistes au sens large[3], une proportion largement comparable (voire supérieure) à celle de la population générale.
Malgré cela, les anti-anonymistes déclarés semblent peu nombreux en France, et sans véritable organisation politique. On peut notamment citer Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat et expert des droits de l'enfant, hostile à l'accouchement sous X et partisan de l'accès à l'identité du donneur le plus tôt possible dans le cas d'un don de gamètes. C'était autrefois un anti-anonymiste « radical », aujourd'hui il serait plutôt « réformiste ».
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'association PMAnonyme n'est pas à strictement parler anti-anonymiste, mais anonymiste moderne (à moins de la considérer comme « anti-anonymiste réformiste », puisque, de fait, l'immense majorité de ses membres et de ses sympathisant-e-s le sont).
Ils sont plus nombreux dans d'autres pays, à cause des différences en termes de contexte politique. On peut notamment citer la Donor Conceived Alliance of Canada et le Donor Sibling Registry, qui sont tous deux, en pratique, des organisations « anti-anonymistes réformistes » (bien que philosophiquement, ce soient davantage des « anti-anonymistes classiques » exprimantparfois des sympathies pour la branche « radicale » du mouvement ; autrement, la première se situe davantage sur le plan politique et le second davantage sur le plan social et associatif). Le Donor Sibling Registry est d'ailleurs notable pour ses efforts, indéniables et continus, visant à favoriser les échanges et la communication avec le mouvement LGBT, bien que ses objectifs finaux (position stricte anti-anonymat, réforme des actes de naissance, langage utilisé) le situent dans le courant anti-anonymiste.
Encore aujourd'hui, les relations qu'entretiendraient certains mouvements anti-anonymistes avec des lobbies réactionnaireset homophobes restent un sujet de controverse. Je pense que pour en avoir le cœur net, il est avant tout essentiel de s'intéresser à la rhétorique de ces mouvements : s'ils font de réels efforts pour promouvoir la diversité des modèles familiaux et pour dialoguer avec la communauté LGBT, il n'est pas possible de leur accoler le qualificatif d'« homophobe ». Si, en revanche, la question est au minimum esquivée, cela devrait inciter à davantage de prudence, voire de méfiance.
Diagramme représentant les différentes tendances chez un échantillon de 481 personnes conçues par don anglophones en 2020, extrapolées à partir de ce sondage (cliquer sur l'image pour la voir en plus grand). Notez que même chez les anonymistes « strict-e-s » (rouge et orange), moins du quart le seraient par conviction (beaucoup souhaitant en réalité pouvoir retrouver l'identité de leur donneur). Par ailleurs, il ne semble exister aucun-e anti-régulationniste de conviction parmi les sondé-e-s.
Pour information, j'ai aussi fait un tableur qui détaille les différences entre chacun des courants sur telle ou telle question, si jamais vous êtes intéressé-e-s.[5]
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[1]on peut aussi considérer que ces deux positions sont relatives et forment un spectre allant de l'anonymisme « ultra-strict » à des positions anti-PMA.
[2]Daniel Borrillo est peut-être davantage anti-régulationniste que pragmatique, en réalité. L'anti-régulationnisme est un courant dont les positions sur la question sont globalement libertariennes (possibilité de paiement des donneurs, double guichet, pas de limitation légale concernant le nombre d'enfants issus d'un seul don de gamètes, pas de règlementation concernant l'accès aux antécédents médicaux ni l'accompagnement des patients et des donneurs, mais légalité des tests ADN).
[3]en fait, d'après ce sondage, les personnes homosexuelles seraient plus nombreuses à être anti-anonymistes (26 %) qu'anonymistes strictes (21 %) ! Des proportions nettement inverses de celles des personnes n'ayant aucun homosexuel dans leur entourage (19 % et 31 %, respectivement).
[4]En théorie, il serait possible de s'opposer à la PMA sans être homophobe mais, pour l'instant, je n'ai jamais vu ni rencontré de personnes totalement opposées à la PMA et qui n'étaient pas au moins un peu, ne serait-ce qu'insidieusement homophobes. La PMA est l'une des seules façons pour les lesbiennes d'avoir des enfants ; si on l'interdisait, la seule façon pour elles d'avoir des enfants dont la parenté sociale serait reconnue serait de passer par l'adoption, qui offre des possibilités beaucoup plus limitées en comparaison. L'argument de la nécessaire unité du lien biologique et du lien affectif me paraît difficilement tenable autrement que par pure référence religieuse, et cet argument semble de toute façon contredit par une majorité de personnes concernées elles-mêmes. Si l'objectif est réellement de permettre aux enfants de maximiser la connaissance de leurs origines biologiques, pourquoi ne pas « juste » proposer de recourir exclusivement à des donneurs connus, ouverts à la possibilité d'une relation avec l'enfant, et dont le nom serait inscrit sur l'acte de naissance de l'enfant au même titre que celui de ses parents sociaux ? Ce serait une proposition déjà suffisamment radicale en soi, si bien que je ne me vois pas la défendre dans l'immédiat (ne serait-ce parce que cela évacuerait presque entièrement la notion de choix de l'enfant).
[5]Celui-ci se trouve sur mon drive pour le moment. Je le mettrais ici lorsque j'aurais le temps.
Comment la pensée extrême et la désinformation ont obscurci des questions légitimes autour du don de gamètes
Il y a déjà plus de deux ans maintenant, j'avais écrit un article sur l'instrumentalisation conservatrice de l'accès aux origines en Amérique du Nord, certaines figures associées (de façon extrêmement périphérique) au mouvement, comme Katy Faust, se caractérisant par une homophobie virulente et des positions réactionnaires assumées. Je ne reviendrai là-dessus.
Au-delà de ces formes flagrantes de préjugé, le mouvement des personnes conçues par don est un mouvement légitime, qui grandit chaque jour en importance et qui se bat depuis des années pour interdire l'anonymat des donneurs, avec une dynamique politique très favorable dans l'ensemble, que ce soit en Europe ou en Australie.
Malgré cela, l'anonymat reste encore très répandu dans de nombreux pays. Pour les parents, il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer le recours à un donneur anonyme : la disponibilité d'un certain profil de donneur, le sentiment de sécurité juridique, mais le plus souvent c'est la facilité d'accès qui jouera un rôle déterminant. Il y a aussi des raisons idéologiques, certaines lesbiennes le considérant comme nécessaire pour ne pas faire entrer d'homme ni de « figure paternelle » dans leur famille (bien sûr, avec la démocratisation des tests ADN bon marché, cet anonymat est devenu plus symbolique qu'autre chose, ce qu'elles n'ont pas toutes l'air de réaliser).
Bien que la pratique de l'anonymat soit en déclin parmi les populations LGBT elles-mêmes et que beaucoup d'entre elleux aient soutenu l'accès aux origines lors de la dernière révision des lois de bioéthique en France, la plupart des mouvements de personnes conçues par don n'ont que très peu de liens avec les mouvements LGBT.
Encore aujourd'hui, dans de nombreux pays, l'anonymat des dons de gamètes reste un sujet relativement tabou, ce qui a pu amener certaines personnes à faire dévier le mouvement vers l'extrémisme, en particulier en ligne. Aux États-Unis, par exemple, faute de discipline et d'organisation (contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres pays), le mouvement est devenu une espèce de terreau fertile pour l'homophobie, la misogynie, le traditionalisme et la désinformation, qui menacent de saper les nécessaires échanges autour des techniques d'aide à la procréation, et de l'anonymat des donneurs en particulier.
Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la question, j'ai très vite été conscient de l'homophobie présente sur les médias sociaux, sur certains réseaux de personnes conçues par don.
On peut par exemple citer cet article, écrit par Alana S. Newman, qui assimile les homosexuels ayant recours aux mères porteuses à des « prédateurs sexuels » en les considérant comme tout aussi dangereux pour les femmes que les proxénètes ou même les violeurs hétérosexuels. En tant qu'opposant à l'anonymat des donneurs de gamètes et partisan d'une GPA éthique et non-commerciale, je me suis souvent retrouvé exposé à des idées qui tombent dans la « zone grise » de ce que certaines personnes pourraient considérer comme homophobe et d'autres non. Cet article en sort très clairement. Il contient des passages tellement homophobes et réactionnaires qu'il ne devrait plus y avoir de débat possible à ce sujet.
On pourrait se dire qu'il ne s'agit que d'un point de vue marginal dans la communauté (et il l'est effectivement, de plus en plus) mais malheureusement, je suis forcé de constater qu'à part un vague engagement envers la diversité des modèles familiaux, les mouvements de personnes conçues par don, en général, s'engagent peu contre l'homophobie et prennent peu position à ce sujet. Certains mouvements semblent peu conscients de l'impact que leurs revendications, qui vont parfois bien au-delà de la levée de l'anonymat aux 18 ans de l'enfant pour inclure le droit à être élevé dès la naissance par ses parents biologiques (bien que cette dernière revendication ne soit pas nécessairement homophobe en elle-même), pourraient avoir sur les populations LGBT.
On a aussi des personnes qui citent en référence AnonymousUs.Org (un site web conçu par Alana Newman et qui regroupe des témoignages dont certains ont été instrumentalisés contre l'homoparentalité), sans au minimum prendre leurs distances vis-à-vis de ses fondateurs ; ou qui relaient des liens vers des articles parus sur des sites plus que douteux, sans esprit critique ; ou qui considèrent l'ECLJ comme un organisme de défense des droits humains, alors qu'il s'agit avant tout d'un lobby chrétien ultra-conservateur qui ne fait qu'instrumentaliser la question ; ou qui, malgré leur engagement par ailleurs progressiste, se font interviewver par l'équivalent américain d'Aude Mirkovic.
Je ne pense pas qu'une personne de bonne volonté, qui dénonce l'homophobie, le racisme, le sexisme, puisse se sentir parfaitement à l'aise avec un mouvement qui, dans le meilleur des cas, n'est pas toujours très bien informé, très au clair ni très prompt à dénoncer les tentatives de récupération dont il fait l'objet, et qui, dans le pire des cas, ne montre absolument aucune sensibilité à ces questions et laisse pleinement s'exprimer ces préjugés sans aucune réaction officielle.
Ce mouvement ne vient pas de nulle part. Découvrir qu'on a été conçu par don peut engendrer une certaine forme de colère et de mal-être, y compris chez des personnes qui, autrement, sont plutôt privilégiées (attention toutefois, toutes les personnes conçues par don ne sont pas privilégiées, loin de là). Et les personnes privilégiées, surtout les hommes, ne sont pas censées se plaindre de leur position. On comprend dès lors mieux que cette colère puisse se transformer en colère mal placée, avec recherche du bouc émissaire, y compris pour certains enfants dont les parents sont elleux-mêmes LGBT.
Cependant, de par les conversations que j'ai pu avoir avec certaines personnes conçues par don, leur colère se dirige davantage à l'encontre des médecins, de l'État ou du « système » (et aussi de l'industrie et du profit que celle-ci engendre, dans une perspective nord-américaine) qu'envers un groupe défini par l'orientation sexuelle de ses membres. Les associations de personnes conçues par don revendiquent de nombreux membres LGBT ou issus de familles homoparentales dans leurs rangs. Après tout, il serait plutôt homophobe d'accorder aux homosexuels un statut particulier sur la question.
Addendum : en guise de mise au point, je dirais que la plupart des choses que j'ai citées dans cet article ne s'appliquent pas aux associations françaises de personnes conçues par don, qui, de par un contexte politique très différent du contexte nord-américain, sont au contraire très vigilantes par rapport à l'homophobie et très promptes à la dénoncer, par exemple lorsqu'un membre de PMAnonymea relayé sur Twitterun article écrit par un proche de la Manif pour Tous et a dû s'en excuser par la suite.
Ce que j'ai écrit dans cet article ne doit pas non plus faire oublier que la violence rhétorique existe aussi de l'autre côté, et que dans la twittosphère francophone, celle-ci est infiniment plus intense que celle des personnes conçues par don (et encore, celle-ci n'émerge généralement qu'en réaction à des commentaires particulièrement insultants ou méprisants) pour en avoir été témoin moi-même, ces dernières années.