08/09/2019

Accès aux origines : l'instrumentalisation conservatrice en Amérique du Nord

En France, l'idée d'accès aux origines est en train de devenir largement consensuelle, et à part certaines personnes, notamment quelques beaufs hypocrites, dogmatiques et ignorants à droite et une poignée d'idéologues et de « lesbiennes radicales » à gauche, la grande majorité ont compris que s'y opposer était politiquement peu défendable.

Plus largement, dans la plupart des pays qui l'ont voté (pour l'instant, mis à part le Portugal, ce surtout des pays de culture germanique/anglo-saxonne, protestante et/ou progressiste), l'accès aux origines reste un sujet relativement consensuel. Là où il ne l'est pas, il est surtout controversé pour des raisons mercantiles et commerciales, dans des pays qui ne l'ont pas encore adopté, surtout des petits pays tels que le Danemark ou la Belgique (qui ont le double guichet), si l'on exclut l'Espagne. Récemment, c'est une eurodéputée transsexuelle verte belge qui a appelé à lever l'anonymat partout en Europe. Et globalement, cette idée ne fait pas paraître de clivage gauche-droite clairement identifiable.

Mais est-ce le cas ailleurs qu'en Europe ?

En Amérique du Nord, les choses semblent légèrement différentes.

En effet, si l'on se renseigne un tant soit peu sur le sujet, il est facile de tomber sur des sites se faisant le relais d'une idéologie conservatrice, voire très conservatrice, et qui instrumentalisent la question en ce sens. L'une des principales figures du mouvement, Alana Stewart Newman, propage un discours à la limite de l'homophobie pure et simple, même si je dois lui reconnaître d'avoir soutenu Evan McMullin plutôt que l'actuel président, lors des dernières présidentielles. Mais cela reste sans commune mesure avec le discours ultra-réactionnaire d'une Katy Faust, par exemple.

De fait, les quelques rares initiatives visant à réglementer l'industrie de la fertilité émanent plutôt d'hommes politiques républicains, les démocrates se montrant, à ma connaissance, encore plutôt frileux à ce sujet.

Bien sûr, cela ne signifie pas que tous les enfants nés de dons (même uniquement ceux favorables à la levée de l'anonymat) penchent à droite : comme on pourrait s'y attendre, toutes les tendances politiques sont représentées. La principale association de mise en relation des demi-frères et sœurs génétiques, le donor sibling registry, est politiquement neutre (voire progressiste) et évite de stigmatiser les familles en fonction de leur constitution. Cela semble également être la position des principales associations nord-américaines en train d'émerger. Leurs revendications bénéficient également d'une couverture médiatique plutôt favorable dans les principaux journaux et médias de centre-gauche du pays.
Mais il n'empêche que les personnalités les plus « bruyantes » sur le sujet ont encore un discours assez droitier.

Qu'est-ce qui pourrait expliquer cette situation ?

Je pense qu'il y a plusieurs éléments qui peuvent l'expliquer.

D'une part, d'un point de vue général, les pays européens sont des pays de tradition interventionniste qui ont pris l'habitude de réglementer tout et n'importe quoi. A contrario, les États-Unis sont un pays de culture beaucoup plus libérale et individualiste. C'est ce qui explique que la PMA ait souvent été très sévèrement réglementée dans de nombreux pays européens, alors qu'elle ne l'a quasiment jamais été en Amérique du Nord.

Mais il ne s'agit pas de la seule différence entre les deux continents en termes de culture politique. En effet, les États-Unis sont un pays extrêmement polarisé sur les questions de société[1], qui acquièrent souvent une importance qui serait difficile à imaginer en Europe, au point qu'on y parle souvent de culture wars.

Tous ces éléments contribuent à expliquer la différence de contexte entre les deux continents.

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[1]Pas seulement du côté conservateur ; en effet, certains arguments « libéraux » autour de l'avortement relèveraient quasiment du suicide politique s'ils étaient importés tels quels en Europe, comme Hillary Clinton qui déclare fièrement qu'elle soutient le droit à l'avortement jusqu'au neuvième mois de grossesse, par exemple. D'un point de vue européen, cette focalisation sur l'avortement en tant que droit de la femme a quelque chose d'assez paradoxal, lorsque l'on sait que l'IVG y est souvent très mal remboursée et peu accessible en pratique dans de nombreux États, en particulier pour les mineures (celles qui en auraient potentiellement le plus besoin, du fait des insuffisances de l'éducation sexuelle).

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